1/05/2021

« Associations méditatives », par Marina Da Silva

Le Monde diplomatique

D’Umberto Saba, Carlo Levi (l’auteur du roman Le Christ s’est arrêté à Eboli) disait qu’il était le plus grand poète italien depuis Giacomo Leopardi. On le connaît pourtant peu. De mère juive, Saba est né à Trieste en 1883, lorsque la ville était encore rattachée à l’Empire austro-hongrois — elle deviendra italienne en 1915. Son premier recueil de poésie paraît en 1911, et il ne cessera plus d’écrire : « Poète et rien d’autre. » En 1938, les lois raciales promues par Benito Mussolini l’obligent à se cacher ; ses livres sont interdits. De cette période, Choses dernières, des poèmes en vers libres ou rimés, écrits entre 1935 et 1943, qu’il faut lire à la fois dans leur éclat et dans leur recel d’ombres, seront l’écho. Des poèmes courts composés comme des partitions, recherche d’épure et d’apaisement. « Je suis seul. Nul n’écoute où / est vain tout appel aux amis / dispersés. / La haine brille comme un glaçon et je pense / que je te verrai ce soir toi que j’aime. »

Souvent, il s’adresse à un autre « lui » : « Voilà, maintenant tu sais que parmi les heureux / il n’est nulle demeure pour nous. » Dédoublement où il devient le témoin de ses émotions face au chaos, comme pour le mettre à distance et diluer l’angoisse, saisir le monde, extérieur et intérieur, par l’écriture, et intensifier sa propre force de vie et de résistance.

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