Une première chez Ypsilon ! — Revue Suisse de l’imprimerie, janvier 2012.
En publiant une traduction de l’ouvrage d’Eric Gill intitulé An Essay on Typography(1931), la collection inscrite à l’enseigne de la Bibliothèque typographique, dirigée par Sébastien Morlighem, a signé son cinquième titre. À noter que cet inédit en langue française est fondé sur une seconde édition, parue en 1936, révisée et augmentée d’un chapitre.
Il est d’heureux hasard, puisque cinq mois après la publication de l’ouvrage Du signe à la page, composé en Gill Sans et dont il a été question ici même (Nos 3 et 4 / 2011), nous voilà de nouveau plongé dans l’univers fascinant de l’artiste anglais aux multiples talents (graveur, sculpteur, illustrateur, dessinateur de caractères, voire polygraphe au sens propre).
À quatre-vingts ans de distance, que faut-il penser de cet Essai sur la typographie ? Même si l’environnement aussi bien que les outils et les méthodes de travail ont radicalement changé, le récit de l’auteur est attachant et reste intéressant. Gill décrit et commente les principes de création et de production de son époque. Il disserte sur la forme des lettres, schématise des données élémentaires, prodigue des conseils, comme celui-ci : « Les lignes de plus de dis à douze mots sont inconfortables à lire. » Une recommandation qui vaut pour la langue anglaise (en français on dirait huit à dix mots). Il rappelle qu’une des principales composantes de la lisibilité est constituée par « l’espacement égale entre les mots ». Il avertit que « nous devons nous garder de ce travers courant chez les historiens de considérer le passé dans les termes du présent ».
On sourit en prenant connaissance de certaines remarques : « Il y a désormais presque autant de variétés de caractères différents qu’il y a de variétés d’idiots. […] Il existe beaucoup, beaucoup trop de sortes de caractères pour composer les livres. » Non conformiste en diable, Gill n’en clame pas moins que « l’homme de bien est un homme de raison, et le bon travail est un travail fondé sur la raison »… Il affirme que « la rationalité et la dignité » prévalent dans l’alphabet romain ; il plaide en faveur de la sténo ; il fustige « le snobisme d’érudits de musée », entre autres considérations non dénuées d’esprit polémique.
Il faut savoir gré à Ypsilon de gratifier la scène graphique francophone de ce classique, historiquement important !
Au point de vue formel, l’ouvrage a été bellement mis en pages par Pauline Nuñez. Le texte est composé en Joanna MT, c’est-à-dire dans un style dont la base a été dessinée en 1930 par Eric Gill. En revanche, les texte de la couverture sont en Gill Sans (1928). La composition est en drapeau (hormis deux pages en bloc…), avec utilisation de l’esperluette (&) et du pied-de-mouche (¶) marquant chaque début d’alinéa.
Entre parenthèses, ceux qui possèdent Du signe à la page pourront mettre sur un rayon marqué à l’enseigne de la typographie pourront placer la contribution de Gill tout à côté, le format étant pratiquement identique (105 × 165 mm).
Un essai sur la typographie, publié en octobre 2011 et tiré à huit cents exemplaires, comprend des références bibliographiques, une présentation éditoriale et un copieux addenda (notes). Ces dernières et la traduction sont dues à Boris Donné et Patrica Menay.
Un essai sur la typographie