21/10/2019

« Toi, sanglante enfance de Michele Mari », par Denis Nuñez

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Livre révélateur, Toi, sanglante enfance de Michele Mari pousse à l’introspection, à la réflexion en mettant le lecteur face à lui-même.

Quel enfant ai-je été, quel adulte suis-je devenu, quel lien existe-t-ils entre mon enfance et moi aujourd’hui ?

Les images et les symboles importants pour cet auteur italien né en 1955, ne sont pas forcément les mêmes que ceux du lecteur, mais l’écriture, les références et les légendes évoquées prennent une dimension universelle favorisant les reminiscences de sa propre histoire.

La puissance évocatrice du récit de Michele Mari, m’a moi-même amené à m’interroger sur ces objets, ces livres, ces jeux, dont il me paraissait impensable de me séparer et qui ont disparus sans que je sache pourquoi :

Le petit couteau d’Albacete à manche de nacre noir serti de deux étoiles blanches que mon grand-oncle m’offrit en 1965, le Bibendum Michelin démontable cadeau de Clément J…, mon carnet de 6ème2 avec les paroles de la chanson Gaudeamus igitur et les anecdotes de notre professeur de latin Marius L… ; et tant d’autres…

« Voilà qui je suis, crions-nous, je suis celui-là (…) Mais entretemps, tu as dilapidé. Si tu as vingt jeux et que tu n’en garde que dix-huit t’es déjà fichu. Si un certain canif au manche de nacre, un certain aimant émaillé de rouge tu commences à le mettre à l’écart (…) voilà tu es fichu. Tu es devenu un dilapidateur. »

Les onze nouvelles du récit passent en revue toutes ces choses qui font l’enfance, qui font notre relation au monde adulte et que nous avons parfois oubliées. Une réalité magnifiée, par notre géographie, notre environnement, nos croyances, nos parents, nos lectures, nos jeux, nos objets.

Un père se demande s’il va transmettre ses bandes dessinées au fils qui va naître. Un enfant s’interroge sur les raisons qui ont poussé ses parents à donner ses petites voitures Mercury à un cousin plus jeune.

Michele enfant est fasciné par les couvertures de la revue Urania de son grand-père et découvrira plus tard qu’elle diffusait des textes de Heinlein, Shekley, Simack, Silverberg, Dick.

L’horreur des jardinets nous montre un Michelino qui se démarque aussi bien des adultes qui le regardent « d’un air de reproche à cause de (son) amusement supposé » ; que des autres enfants qui s’ingénient à appeler le vendeur de la petite échoppe « chef ».

Très vite Michelino puise dans la littérature et ses personnages ce qui sera le ferment de sa personnalité.

Figures empruntées à Conrad, De Foe, London, Melville, Poe, Salgari, Stevenson, Verne, dont il adopte les attitudes et les modes de pensées, s’extrayant de la réalité pour créer sa propre réalité et ce monde si particulier où seuls les lecteurs se reconnaissent.

Michel Mari nous interroge : qu’avons nous fait de cet héritage, où se trouve-t-il, l’avons-nous dilapidé ou jalousement conservé, l’avons-nous transmis à notre tour ?

Seul le souvenir nous reste que nous évoquerons jusqu’à radoter comme les deux vieillards de la dernière nouvelle « Là-Bas ». L’histoire se termine : « Il n’y eut pas grand chose d’autre, dans la vie. Non, presque tout est là-bas. »

Un livre de chevet pour ne pas oublier.

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