Aris Alexandrou
(Léningrad, 1922 - Paris, 1978)
De son vrai nom Aristotélis Vassiliadis. Déporté en 1944 à El Daba (Égypte) par les Britanniques, puis à Moudros, Makronissos et Aï-Stratis de 1948 à 1951 En 1949, à Makronissos, il signa la « déclaration de repentir », mais la renia et vit sa peine augmenter de deux ans supplémentaires. En 1952, il fut de nouveau condamné pour « insubordination », alors qu’il se trouvait en déportation lors de son appel sous les drapeaux, et enfermé à la prison Avéroff puis déporté sur les îles d’Égine et Yaros jusqu’en 1958.
(Lors de son arrestation, plutôt que d’expliquer l’absurdité de la situation, il se déclara communiste aux autorités, en dépit de ses intimes convictions. )
Ses opinions politiques, qui le plaçaient à gauche de la gauche, le firent souffrir d’exil interne en exil. « Jamais je n’ai senti cette peur métaphysique que ressentent les croyants, les orthodoxes, les membres de tout -isme, quand ils entendent ce qui est pour eux une terrible accusation : Tu es incroyant, tu es hérétique, tu es anti-iste. Aucune peur métaphysique de cette forme ne m’a jamais tourmenté, même lorsque j’avais l’illusion de croire que j’aurais pu appartenir à un groupe. Naturellement, l’isolement, la solitude, crée autour de soi un vide et le vide a toujours un goût amer. Mais dès l’instant où j’ai constaté que dans le groupe j’étais toujours suspect, comme la vérité, j’ai choisi l’isolement. » Ne se pliant pas aux directives du Parti, jaloux de son indépendance et de sa liberté, il écrivait ses poèmes isolé de ses propres codétenus. Ses camarades de déportation ne lui pardonnaient pas de critiquer ouvertement le Parti. Dès 1948, à Limnos, il fut isolé comme « défaitiste ». À Makronissos, il se couvrait d’une couverture toute la journée et feignait de dormir. Quand venait la nuit, il lisait discrètement à la lumière d’une lampe à pétrole, la mèche basse pour ne gêner personne. À Yaros, se déclarant non-communiste à ses co-détenus, il fut encore mis en quarantaine, et ce jusqu’en 1956, à l’heure de la « déstalinisation ». Il resta fidèle à sa formule des « 3 A » (Apatride, Athée, Anarchiste), comme il le dit lui-même lors d’un entretien : « Je n’appartiens à aucun parti ni à aucune organisation politique. Je ne suis membre d’aucune église. Je ne suis disciple d’aucune religion. [… ] Je me sens responsable et solidaire de tous ceux qui ont combattu, qui combattent, et qui combattront contre tous les tyrans, couronnés ou porteurs de képi, contre tous les despotes, galonnés ou porteurs de soutane. ». En 1967, fuyant la dictature, il s’exila à Paris.
Grand ami de Frangias, et de Ritsos avec lequel il ne cessa de correspondre (à l’exception d’une période durant laquelle ses distances clairement prises avec le communisme et le « jdanovisme » provoqueront une fâcherie), il fut un traducteur infatigable (Maïakovski, Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï, Akhmatova, Pasternak, Mandelstam, Ehrenburg, Gogol (traduits du russe, sa langue maternelle) mais aussi Maupassant, Shaw, Steinbeck, Voltaire, Semprun, Caldwell, O’Neal…), et a écrit trois recueils de poésie, des essais, un roman (La Caisse, publié aux éditions Gallimard en 1978) et un livre pour enfants (en langue grecque écrite en alphabet latin).