1/03/2014
« Alphabet d’Inger Christensen », par Guillaume d’Enfer (Librairie L’œil écoute)
Un rythme quasi abstrait et répétitif dès le départ, qui au fur et à mesure s’amplifie comme en un psaume qui décrirait la Création du monde dans sa simplicité, y insinuant sa chute. Le souffle du vers s’élance ou se scande selon la longueur ou la brièveté des strophes, selon que les images y sont développées ou se succèdent en rafales. Une ambiance entre conte primordial et univers quotidien, ou se conjuguent contemplation, imaginaire de l’auteur, fragments d’évocations personnelles et le battement d’un cœur universel.
L’ineffable poétique qui se dégage de ce monde surgissant en ordre dispersé d’un alphabet d’images qui s’associent, se dissocient, se contrarient ou s’allient pour un condensé de conscience terrestre, d’amour du monde, de mélancolie de sa caducité, de sens du mystère, est servi par un style dont la sobriété fait la puissance. Un hiératisme sans raideur, une rigueur sans formalisme nous donnent le goût suave d’un ailleurs présumé. La plante, l’animal, la neige aussi bien que la bombe atomique y reflètent notre responsabilité et notre solitude d’enfants désemparés par tant de pouvoirs d’être et tant d’abandons.
Âmes insensibles s’abstenir.