La Passion
Postface d’Étienne Dobenesque.
Figures tragiques, tristes, terribles et féroces, les femmes et les hommes sont peints à l’acide chez Djuna Barnes : la nature humaine est restituée telle quelle, aussi inhumaine que la nature. Reprises et réunies par Djuna Barnes sous le titre Spillway, en 1962, les neufs nouvelles qui composent ce livre ont été écrites entre 1923 et 1929. Dernier livre conçu et défendu par son auteur, Djuna Barnes le considère comme l’un des plus achevés avec son célèbre roman Nightwood (Le Bois de la nuit). Ces nouvelles sont caractéristiques de l’art de Djuna Barnes, tant par la justesse du geste et du trait que par une aventure de la langue toute proche de la poésie. Dans une « Avant-note », qui est, en fait, un essai important, Monique Wittig affirme irrévocablement qu’il n’y a pas d’ « écriture féminine » et souligne un angle d’approche dont l’effet est comparable à une perception du coin de l’œil.
« Mais à ce moment-là Moydia avait perdu toute prudence. Elle s’est acheté une nouvelle robe pour plaire à monsieur X, dans laquelle voyager et qui, en même temps, n’alerte pas père. C’était donc une robe pleine d’astuce, très subtile et émouvante. Elle était tout en plumetis, avec un corsage très serré et sur le corsage, entre les seins, il y avait, brodé au fil très fin, un agneau égorgé. Cela voulait tout dire, vous voyez, et rien dire aussi bien. »