1/03/2025
« Amelia Rosselli, une poète entre trois langues. », par Samuel Brussell
L’anglais, l’italien et le français ont cheminé avec elle pour un temps ou plus durablement. La poésie sensuelle et audaciet1se de celle qui s’est donné la mort en 1996 nous parvient aujourd’hui à travers son Journal obtus, qui paraît dans une traduction de l’italien. Amelia Rosselli est une des poétesses italiennes les plus singulières du XXe siècle, tant par sa voix très personnelle que par sa vie mouvementée. Elle naît à Paris en 1930, où son père Carlo Rosselli,journaliste, historien et activiste en exil, y dirige le groupe antifasciste Giustizia e Libertà et sera assassiné sur ordre de Mussolini par les miliciens « cagoulards ». De cette mort, survenue alors qu’elle n’a que 7 ans, elle restera profondément affectée. Après une longue période de dépression elle se suicide en février 1996 à Rome, dans son appartement de la Via del Corallo où elle vivait depuis vingt ans.
Le français est la langue de son enfance à Paris, l’anglais la langue de sa mère et l’italien, langue à laquelle elle retournera, celle de son père. Dans ses oeuvres de jeunesse (Sanatorio, Adolescence, Le Chinois à Rome, 1952-1954) elle écrit d’abord en français puis en anglais dans October Elizabethans (1956) et ABirth (1962); elle va jusqu’à entremêler les trois langues dans Diario in tre lingue (1955-1956) avant d’adopter définitivement l’italien à partir de Palermo (1963).
Farouche indépendance
La poésie d’Amelia Rosselli est brûlante de sensualité et de véracité intérieure, son écriture rappelle, par son intransigeance et sa farouche indépendance, deux autres poétesses qui payèrent leur audace par un destin tragique, Antonia Pozzi et Alda Merini.
Et mon désir se fondit dans le sien, impalpable./Toi pluie amie légère tu marches dolente tu marches do lente et lente et descends les toits pour porter secours./Les eaux coulent avec à peine un son.
« Amelia Rosselli est le Pontormo de la poésie italienne, écrit la poétesse romaine Antonella Anedda, qui fut son amie proche. Journal obtus est son livre décharné par la solitude et le froid vénéneux. » La comparaison avec le peintre Jacopo da Pontormo est heureuse: il y a chez Rosselli, dans l’observation passionnée des mouvements de 1 âme, une originalité et une liberté que l’Arétin Vasari jugeait parfois excessives chez « l’excentrique florentin ». Et on trouve, dans l’abondance et la charge des émotions portées par la poésie délicate de ces proses une générosité qui ne laisse pas le lecteur indemne :
Je n’ai d’autre candeur que cette sympathie bridée pour les majestueuses ombres du paradis sur terre./Echanger deux mots avec un enfer prometteur.