12/04/2013
Écrits des camps, par Éric Dussert
La litanie de l’horreur est sans fin. Un nouvel ouvrage viendrait nous en convaincre si ce n’était déjà fait. Et il ne prend pas corps en Sibérie, mais sur les rives ensoleillées d’une petite île grecque, Makronissos. Ce livre est un collectif de poètes et d’écrivains grecs qui furent en butte à l’anticommunisme féroce de l’armée des dictateurs de la péninsule successifs et à l’enfermement dans le camp de l’île de Makronissos dans les Cyclades, entre 1947 et 1951. Une île d’un kilomètre carré et demi…
Derrière la bannière d’Yannis Ritsos, qui reste le plus célèbre, Aris Alexandrou, Tassos Livaditis, Titos Patrikios, Ménélaos Loudémis, Victoria Théodorou, Dimitris Doukaris, Leftéris Raftopoulos, Manolis Kornilios, Kostas Kouloufakos, Tzavalas Karoussos témoignent de leur sort dans des poèmes ou des cahiers qui avaient été enterrés pour échapper aux fouilles.
De Ritsos, la « Lettre à Pierre Curie » dit l’essentiel de la douleur que connut comme lui Rosa Imvrioti, « Rosa la rouge ». Les femmes d’ailleurs, souvent arrêtées en tant que compagnes grâce à un arsenal de lois plus scélérates les unes que les autres destinées dès la fin du XIXe siècle à lutter contre le « banditisme » (voir Le Roi des Montagnes d’Edmond About), des femmes telles que Victoria Théodorou exprimèrent ainsi l’horreur de ces traitements appliqués par des brutes qui ne prenaient guère en considération le fait que des enfants étaient eux-mêmes enfermés et périssaient à cause des mauvais traitements et de la sous-nutrition. Il leur fallait subir le « baptême de Siloam », opération de « réhabilitation » destinée à le transformer en bons citoyens… On imagine la démence des garde-chiourmes.
On parlait hier de Bernard Vital de Georges Eekhoud lancé contre l’armée, voici encore ici une raison de se plaindre de la folie de ces fous sadiques en uniforme. Si on avait failli oublier les heures sombres de la Grèce du siècle dernier, qui ne fut pas le siècle de Lumières, c’est certain, mais bien plutôt celui des Uniformes, les voici qui nous jaillissent au visage. De quoi réfléchir cet été sur les plages des îles grecques…