1/01/2013
« Les quatre cents de la poésie. Rien que des pierres aux dents serrées. Poètes au camp de Makronissos, Aris Alexandrou », par Olivier Barbarant
« Là-bas, Joliot, il y avait des pierres, beaucoup de pierres / rien que des pierres aux dents serrées », écrivait Yannis Ritsos en novembre 1950, évoquant depuis sa nouvelle captivité à Aï-Stratis sa déportation précédente dans l’île de Makronissos. Ce poème-lettre que nos lecteurs ont pu découvrir dans le numéro d’Europe de novembre 2009 — adressé à Joliot-Curie alors Président du Conseil Mondial de la Paix, eut un retentissement international, sans que la mobilisation parvienne à faire plier de gouvernement grec concernant Ritsos avant 1952. De 1946 à 1950, des milliers de communistes et de sympathisants de gauche furent donc déportés sur un îlot désertique, parmi les barbelés, les « bataillons », de « rééducation » visant à faire signer une « déclaration de repentir » à coups de fouets et de bâtons, d’humiliations, et pour les femmes aussi de viols. « Rien que des cris plus durs que les pierres / et des plaies muettes comme les pierres / et des bottes qui frappaient les pierres », poursuit Ritsos, à quoi répondent Tassos Livaditis (« un gars nu / pendu par les mains / le corps sillonné / déchiré par les coups de fouet »), Ménélaos Loudémis (« Comment allez-vous ? Nous ici, nous mourons »), Aris Alexandrou (« Ton torse s’est brisé / comme un baril de poudre / vide »), mais aussi Victoria Théodorou (« Voici le champ que j’ai pioché / où j’ai semé le lin pour l’inusable toile / autant semer du sel, rien n’a poussé ») et tant d’autres, dont il faudrait citer ici de chacun le calvaire, et la réponse que sut apporter la poésie… Pascal Neveu a choisi, traduit et publié aux éditions Ypsilon L’amertume et la pierre — Poètes au camp de Makronissos (1947-1951), proposant une anthologie si remarquablement annotée et commentée qu’elle contitue désormais une pière irremplaçable de la littérature concentrationnaire. […]