4/04/2013

« L’amertume et la pierre », par Louise de Crisnay

Libération

De 1830, année de l’indépendance, à la chute de la junte des Colonels en 1974, la Grèce subit une succession de régimes autoritaires, coups d’État et dictatures. C’est cette histoire politique que le traducteur Pascal Neveu retrace dans le précis historique très documenté qui accompagne cette anthologie de onze poètes ayant écrit entre 1947 et 1951 dans les camps. Rien qu’à Makronissos, le plus important, auquel il consacre un chapitre, entre 40 000 à 100 000 soldats et civils furent déportés. Si l’imagination des bourreaux était sans bornes, celle des poètes le fut aussi pour écrire et cacher leurs poèmes. Il y eut une « école secrète » de poésie sous l’égide de Ritsos, qui prodiguait ses conseils et était aussi un soutien par sa résistance morale aux atrocités. S’ils ont une valeur testimoniale, c’est la qualité qui a présidé au choix de ces poèmes pour la plupart inédits. On retiendra ceux d’Aris Alexandrou, aux accents proches de Maïakovski, comme dans « Alexandrostroï » dont il est le destinataire fictif : « Tu te souviendras aussitôt de mon écriture.  Observe le petit –o–. / Il est comme la bouche d’un revolver. / Tu as regardé au fond / la dernière nuit. / N’en doute pas. Tu me connais sûrement. / J’ai regardé moi aussi dans les yeux / de toutes sortes de borgnes. »