Un coup de Dés jamais n’abolira le Hasard رَميَةُ نردٍ أبـداً لَنْ تُبطلَ الزّهـرْ
Textes de Mohammed Bennis, Isabella Checcaglini, Bernard Noël.
Quand Mallarmé est mort, cela fera bientôt cent dix ans, il travaillait depuis des mois à l’édition définitive de Un coup de Dés chez Ambroise Vollard. Bien loin d’être un projet, cette édition était très avancée ce que prouve le nombre de jeux d’épreuves. Mallarmé, chacun le sait, était infiniment pointilleux. Quantité de corrections en témoignent, ainsi que, clairement affirmés, le choix du format et la volonté que, accompagné de lithographies de son ami Odilon Redon, le texte soit composé en Didot. Cette édition n’a jamais paru bien que prête pour l’impression.
On en mesure le manque dès que l’on prend conscience du fait que le sens du texte est étroitement lié à sa mise en scène. La nécessité de cette relation est devenue pour nous une évidence décisive quand il a fallu confronter le texte original à sa traduction dans une langue dont frappe d’abord l’apparence graphique. Ainsi, Mohammed Bennis ayant entrepris la première traduction arabe de Un coup de Dés, le problème s’est rapidement posé des caractères, de leurs divers corps, de leur emplacement afin d’être fidèle autant que possible à l’original.
Mais quel est l’original ? Hélas pas l’édition dite originale de 1914 parue chez Gallimard, qui ne respecte pas le format et qui est composée en Elzévirs, famille de caractères que détestait Mallarmé. Hélas, aucune des éditions successives dont les formats ignorent l’importance de la mise en scène de ce poème.
Une seule édition respecte la volonté de Mallarmé et en explicite les raisons, celle réalisée par Mitsou Ronat et Tibor Papp à l’enseigne de Change, en 1980. La forme adoptée : un cahier sous jaquette ne donne malheureusement pas le Livre que souhaitait Mallarmé. Plus récemment, les Éditions Ptyx ont publié une édition correcte mais confidentielle. Et ces deux éditions ont oublié Redon.
Pourquoi cet oubli ? Sans doute parce que cet oubli va dans le sens de l’abstraction liée à la figure de Mallarmé. On lui refuse l’image comme on lui refuse l’espace parce que ces deux éléments exigent du corps là même où l’on veut que l’esprit règne sans partage.
Nous avons tenté d’aller ici à contre-courant de ce cliché qui a fini par faire autorité en publiant pour la première fois Un coup de Dés avec les trois compositions de Redon. Il n’était pas question de faire des faux en recourant à une copie lithographique, c’est pourquoi ces Redon sont publiés sous la forme de reproductions. Leur placement est problématique, mais il y avait le modèle des couvertures de Vollard et nous savons que les autres compositions ne devaient pas être in-texte.
Ce livre, Un coup de Dés, illustré donc par Redon, constitue un volume à côté duquel la traduction de Mohammed Bennis en constitue un second, qui est aussi l’hommage du poète arabe au poète français. À côté, et sous le titre Relativement au poème, un autre volume rassemble le « Journal d’une traduction » de Mohammed Bennis, « Une brève histoire de l’édition Vollard du Dé » d’Isabella Checcaglini et « Divagation » de Bernard Noël. Les mêmes textes forment un quatrième volume dans leur traduction arabe.