14/09/2017

« Jean Toomer : Canne », par Mathilde Azzopardi

Cahier Critique de Poésie

Sous couverture rouge terre, les éditions Ypsilon reprennent Canne de Jean Toomer, livre phare de la littérature afro-américaine1 .

Les lieux du roman — la Géorgie et Washington, le Sud rural et le Nord urbanisé –, comme les corps qui le traversent et dont émane une aura sensuelle et douloureuse — peaux frémissantes, voix vibrantes – dressent la cartographie d’une humanité structurée par la color-line, ligne de partage des couleurs.

« Pour être écrivain, disait Faulkner, il faut tout d’abord être soi-même, tel qu’on est né ». Toomer, qui affirmait que coulaient en lui sept sangs différents, vécut tantôt parmi les Blancs, tantôt parmi les Noirs, dans la conscience profonde qu’être Américain impliquait une complémentarité de ces éléments. L’« étrangeté » de cette identité, cette singularité radicale et congénitale qu’il partageait avec W.E.B. Du Bois2 , s’illustre dans la forme même de ce roman métissé, qui alterne poèmes, chants, nouvelles, fragments et séquences théâtrales pour composer un lyrisme éblouissant.

Sous la même teinte, a tout juste paru l’unique numéro de la revue emblématique de la Renaissance de Harlem, Feu !! Il est à espérer que ces deux ouvrages marquent le commencement d’une série.

  1. Paru en 1923 aux États-Unis et en 1971 en France, chez Nouveaux Horizons, dans la traduction de Jean Wagner, qui fut exclusivement diffusée en Afrique francophone. Cette édition est ici reprise
  2. L’auteur des Âmes du peuple noir, premier classique de la littérature noire américaine, paru en 1903

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