9/04/2024

« Natalia Ginzburg, passeuse de monde », par Marie Richeux

Le Book club – France Culture

En 1970, Natalia Ginzburg a 54 ans. Elle publie, en Italie, Ne me demande jamais, recueil d’essais qui esquissent le portrait d’une époque. À l’occasion de la sortie de sa nouvelle traduction aux éditions Ypsilon, nous recevons la traductrice Muriel Morelli, et l’éditrice Isabella Checcaglini.


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Natalia Ginzburg est une grande autrice italienne, née en 1916 et morte en 1991. Elle avait réuni la quasi-totalité des écrits qu’elle avait publiés dans La Stampa, entre décembre 1968 et octobre 1970, augmenté de quelques récits inédits sous le titre Ne me demande jamais, qui avait paru en France en 1985 aux éditions Denoël. Nous profitons de ce que cet ouvrage jouisse d’une nouvelle traduction de l’italien par Muriel Morelli aux éditions Ypsilon, pour évoquer ce recueil de textes et l’écriture de Natalia Ginzburg en général.

« Je n’ai jamais réussi à tenir un journal intime, mais ces écrits sont peut-être comme un journal intime dans le sens où j’y ai noté, au fil des jours, ce qu’il m’arrivait de me souvenir ou de penser, c’est pourquoi l’ordre chronologique est au fond le plus juste ». Voilà ce que nous dit la grande autrice italienne Natalia Ginzburg, à la fin de ce recueil de textes que l’on peut lire comme des micro-essais, des récits, des humeurs, des portraits en creux de l’époque ou d’elle-même, de sa mère, de sa ville. Où l’on peut également rencontrer son esprit, son regard et sa langue.

Majoritairement écrits à la première personne, ces courts textes parlent du rapport aux maisons, de la famille, de la musique, ils parlent de peinture, de lecture, de la critique et de la figure du père, du génie d’Emily Dickinson, de Buster Keaton et Charlie Chaplin ou encore de l’âge vieillissant. La nouvelle traduction de Ne me demande jamais de Natalia Ginzburg a donc paru aux éditions Ypsilon.

La note vocale

La question de Pascal à Isabella Checcaglini : « J’ai rencontré le livre de Natalia Ginzburg un peu par hasard, et dès les premières pages, j’ai eu l’impression que cette lecture allait s’emboîter parfaitement avec mon existence. Il y a des choses que j’ai besoin d’entendre, ou plutôt de lire, peut-être parce que c’est plus lent, pour m’aider à voir le jour d’après. C’est une amie sûre, peut-être un peu austère, et assurée que j’ai eu le sentiment d’avoir trouvé en ouvrant ce livre. Quand Natalia Ginzburg parle de ses lectures, de son rapport aux autres, de son rapport à l’espace, de son rapport au monde, elle parle aussi de ma vie et de ce que je ne cesse d’interroger pour la comprendre. Dans ses courtes méditations sur les expériences de sa vie au cours des années 50-60, je sens que cet ami va m’accompagner, non pas en me faisant la leçon de façon un peu surplombante, mais en me montrant qu’il est encore possible de naviguer en vérité dans cette existence. Donc voici ma question : Je me demandais si éditer, n’est pas le meilleur moyen que vous avez trouvé pour vous entourer d’amis sûrs pour la vie ? »
La réponse d’Isabelle Checcaglini : « Je trouve ça très beau d’être appelée en amitié par l’écriture de Natalia Ginzburg. C’est rassurant aussi pour l’éditrice, mais aussi pour la lectrice, parce que finalement, je pense que, pour nous tous, lecteurs et lectrices, ces rapports-là d’amitié ou de rapports humains, pour reprendre une autre expression de Natalia Ginzburg, sont très importants. Et je pense aussi, que la spécificité, peut-être de la lecture, cette expérience si particulière, j’allais dire cette pratique si particulière, elle vient de là : quand on arrive à rentrer dans une conversation, une absencia c’est-à-dire que L’autre n’est pas là, mais il est quand même là. Finalement, les livres qui nous entourent sont des interlocuteurs privilégiés, et si on arrive à vivre avec eux longtemps, c’est d’autant plus merveilleux. »

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