4/07/2020
« La formule Ypsilon, explorations d’une éditrice », par Claire Devarrieux
Il était déjà question des éditions Ypsilon dans ces pages la semaine dernière, avec la réédition de Moi, le Suprême de Roa Bastos. Romanciers, poètes, le catalogue de la maison est impressionnant : James Baldwin et Toni Cade Bambara, Natalia Ginzburg, Pasolini et Sandro Penna, Alejandra Pizarnik, Yannis Ritsos… Ypsilon Editeur a été créé par Isabella Checcaglini en 2007 « pour publier le Coup de dés de Mallarmé en respectant son projet, son œuvre, son idée et ses raisons. Mais aussi pour pouvoir continuer à faire de la recherche en littérature non plus seulement théoriquement mais pratiquement, concrètement, en fabriquant des livres. » Elle est italienne, arrivée à Paris à 19 ans pour aller à l’université dans « le pays de mes rêves », d’abord trois ans de mathématiques à Paris V-René Descartes, puis littérature à Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis où, dit-elle, sa vie « a changé, grâce entre autres à la découverte de la poétique d’Henri Meschonnic, sa théorie du langage, et de l’œuvre de Mallarmé à laquelle j’ai consacré une maîtrise, un DEA et une thèse. Le titre de ma thèse est peut-être évocateur : “Lecture critique, critique de la lecture. Le Théâtre et le Livre de Mallarmé” ». Isabella Checcaglini « a appris à composer au plomb et imprimer sur une presse traditionnelle » au laboratoire d’expérimentation graphique de l’école Estienne d’art et des métiers du livre, où elle a effectué deux stages à la fin de sa thèse, « justement pour mieux comprendre le Coup de dés de Mallarmé, la relation entre typographie et poésie, le mystère dans les lettres, le livre instrument spirituel… L’histoire de l’édition, de la typographie et du livre me fascinait et me passionne toujours ».
Ypsilon, diffusé par les Belles Lettres, publie sept ou huit titres par an. « La Chine vient d’entrer dans notre catalogue après beaucoup de recherches et de tâtonnements, explique Isabella Checcaglini, je ne connaissais presque rien à cette littérature, à ce monde, mais j’avais envie de le découvrir. J’ai la chance de choisir tous les livres que je publie, donc mon catalogue est un peu comme un cheminement dans mes lectures, fait de beaucoup de ricochets. Bei Dao, je l’ai découvert grâce à mes amis de New Directions, la très belle et unique maison d’édition américaine, indépendante depuis 1936 (ce qui est un miracle aux Etats-Unis). Depuis quelque temps je cherche à aller plus loin dans mes explorations, j’ai commencé à regarder du côté des contemporains, des pays lointains, des cultures différentes, toujours par le biais de la littérature et d’un rapport spécial à la littérature que je cherche chez l’écrivain, que je veux Lecteur (grand lecteur déclaré comme Susan Howe et Eliot Weinberger) et chercheur. Pour Bei Dao, un poète qui revient sur son histoire, intime et collective, c’est cela qui m’a attiré avant tout. »