1/07/2020

« Une nouvelle œuvre en prose du poète Bei Dao qui veut reconstruire son Pékin », par Bertrand Mialaret

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Bei Dao est avec Yang Lian et Duo Duo, l’un des poètes chinois de la génération de Tiananmen les plus connus en Occident. Ses œuvres en prose ont souffert de la célébrité d’une poésie souvent citée comme candidate pour un prix Nobel.

Deux recueils d’essais, traduits en anglais, un beau roman Vagues1 et des nouvelles 13 rue du Bonheur2 que complète un superbe texte autobiographique S’ouvrent les portes de la ville3 qui vient d’être traduit en français par Chantal Chen-Andro.

Reconstruire sa ville

Bei Dao, après 13 ans d’exil, obtient finalement l’autorisation de retourner à Pékin pour revoir son père malade. « J’étais étranger dans mon pays natal…Je me suis senti alors poussé à écrire ce livre : je voulais par l’écriture, reconstruire une ville, rebâtir mon Pékin à moi ».

Le livre fait revivre les charmes du Pékin de sa jeunesse, les ombres, les lumières, les odeurs, les bruits. L’enfant nous parle de son environnement, des jouets et des jeux, des transformations apportées par l’arrivée d’une télévision puis d’un tourne disque.

Il sort de son quartier, il va à la pêche, il apprend à nager mais se noie presque dans le lac du Palais d’Eté. Beaucoup de sorties pour chercher de l’herbe pour les lapins qui au cours de ces années de famine finiront dans une marmite. La nourriture est très présente, elle a souvent manqué pendant sa jeunesse.

Les rapports avec sa mère sont peu abordés et ne semblent pas très étroits, les relations entre les parents ne sont pas très harmonieuses. Un long chapitre est consacré à son père. Une famille connue mais qui est plus ordinaire dans les dernières générations ; une vie confortable, son père travaillait à la Compagnie d’assurance populaire de Chine puis à l’Association Chinoise pour la promotion de la Démocratie.

Son père lit beaucoup et est intéressé par la technologie. Les relations seront étroites avec sa jeune sœur qui décédera dans un accident, plus lointaines avec un jeune frère et généralement conflictuelles avec son père, « chaque homme chinois abrite en lui un petit tyran…à la maison, il se doit d’être le maître suprême. » (p.321)

Bei Dao nous parle longuement des quartiers que sa famille a habité et de leurs voisins. Il est admis à l’été 1965 au lycée n°4, le meilleur lycée de Pékin, pour la plus grande fierté des parents et des voisins. Il lit beaucoup, y compris les livres interdits cachés dans le grenier et qui devront être remis au Comité de Quartier ; « l’expérience de la lecture est comme le réverbère pour la route, elle éclaire les ténèbres de l’existence humaine » (p.169).

  1. Bei Dao, Vagues, traduit par Chantal Chen-Andro. Editions Philippe Picquier 1993, 193 pages. Bei Dao, Waves, translated by Bonnie S. McDougall and Suzette Ternent Cooke, New Directions 1990, 208 pages.
  2. Bei Dao, 13 rue du Bonheur, traduit par C. Chen-Andro. Circé 1999, 112 pages.
  3. Bei Dao, S’ouvrent les Portes de la Ville, Pékin 1949-2001 », traduction Chantal Chen-Andro. Ypsilon juin 2020, 380 pages.

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