« Cabinet de curiosités », par Amandine Schmitt

L’atoll de Tuanaki. Le tigre de la Caspienne. Les sept livres de Mani. L’Encyclopédie en forêt d’Armand Schulthess, dans le Val Onsernone. Ces lieux, ces espèces, ces ouvrages, n’existent plus. Judith Schalanskya, utrice allemande curiosités littéraires. Et c’est par le biais de diverses formes (fiction, analyse, autobiographie) qu’elle tente de percer leur mystère. Elle se glisse dans la peau de Greta Garbo, imagine le combat entre un tigre et un lion dans une arène romaine, établit un brillant parallèle entre les béances dans les poèmes de Sappho et le silence autour de l’amour lesbien dans l’imaginaire collectif. Dans le dévastateur « Château des von Behr », elle reconstruit un souvenir d’enfance douloureux, formé à l’ombre d’une demeure bourgeoise incendiée près de Greifswald. « Être en vie, c’est faire l’expérience de la perte », affirme-t-elle. Dans ce livre d’une exquise mélancolie, elle visite avec un quasi-mysticisme ces creux de l’histoire, à la limite de la mémoire et du mythe. Là où peut s’infiltrer la littérature.