29/11/2023

« Inventaire de choses perdues de Judith Schalansky », par Raphaëlle Poyet

Le petit bulletin

Que se passe-t-il quand des choses disparaissent ? Que disent ces disparitions du monde dans lequel on vit ? Que font les gens et les choses qui restent ? Ce sont les questions qu’explore Judith Schalansky dans son Inventaire de choses perdues en 12 parties. Une invitation inspirante à trouver soi-même ses réponses par ses propres expériences, qu’il s’agisse de remonter le cours d’un fleuve, de fouiller une bibliothèque ou d’errer dans le parc de la Tête-d’Or.


Un bâtiment abandonné en Italie suite à une épidémie de peste nous amène sur les traces d’Hubert Robert, dessinateur de ruines. Un film perdu de Murnau est le point de départ d’un monologue d’une Greta Garbo enrhumée et sans contrat qui cherche le sens de sa vie (et le pull parfait) dans les rues de New-York. Une île rayée des cartes (c’est un sujet que l’autrice affectionne, et auquel elle a déjà consacré un fascinant Atlas des îles abandonnées, qu’elle a elle-même contribué à mettre en page), lève le voile sur la démarche de recherche de Schalansky, en tant qu’humaine et en tant qu’autrice, et ses heures à la bibliothèque pour percer des secrets et chercher des réponses qui ne se trouvent dans aucun document.

Une invitation à parcourir nos mondes

« Rien ne peut être ramené par l’écriture, mais tout peut être rendu à l’expérience », explique-t-elle dans l’avant-propos. Ainsi, chaque chose ou personne disparue est prétexte à l’exploration, autobiographique ou fictive. L’écriture est dense, autant que les formes d’absence qu’elle retranscrit. La démarche de pisteuse qui nourrit son art a d’ailleurs obtenu une récompense peu commune : depuis 2011, un astéroïde porte son nom.

Pour retrouver la trace des choses perdues, les terrains d’exploration de l’autrice sont aussi matériels que mentaux. Ce livre monde « parle aussi bien de chercher que de trouver, de perdre que de gagner, et laisse entrevoir que la différence entre l’absence et la présence pourrait bien être marginale, tant que le souvenir existe. Et quelques précieux instants durant, pendant le long travail d’écriture de ce livre, l’idée que la disparition est inévitable m’est apparue aussi réconfortante que l’image de ses exemplaires prenant la poussière sur des étagères. » Plus que de chercher des causes, il s’agit d’imbriquer leur souvenir à ce qui perdure pour accepter l’impermanence. Et vous, sur quelles traces partirez-vous après la lecture ?

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