15/09/2023
♥ Coup de cœur de la librairie Le Silence de la mer (Vannes), par Paul Aymé
On entre dans Inventaire de choses perdues comme on approche d’un gouffre. Les premières pages — liées à la disparition, à ce qui a été et n’est plus — sont terrifiantes. Mais il arrive d’être emporté en pleine mer par une vague et miraculeusement ramené par une autre. On frôle les grandes profondeurs. De chapitre en chapitre, de la mer à la lune, de la Rome antique à la RDA, de la poésie de Sappho aux obsessions de Piranèse, de la miniature à l’encyclopédie, du cosmos au chaos, Judith Schalansky esquisse, grave ou traverse des splendeurs perdues. Elle rappelle que la nature est plus excentrique que la fiction ; que l’évolution est plus inventive que l’imagination ; que les livres sont un monde — et même, le remplacent. Grâce à cette émotion qu’est l’archive, on mesure combien le passé est une terre intense et fertile. La construction du livre — musicale, aussi bien mathématique qu’organique — fait qu’on y entend, comme sur une portée, les pauses, les soupirs. Alors après avoir été un puits, un continent inconnu, Inventaire de choses perdues devient un livre phare, un livre ami.